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Alertes, confinement, mises à l’abri… alors que l’efficience des mesures préventives fait l’objet d’une enquête parlementaire, la violence des perturbations atmosphériques pourrait augmenter sous l’effet du dérèglement climatique.
ParFatoumata Sillah
Temps de Lecture 4 min.
Pour l’heure, le soulagement domine à LaRéunion. «Nous ne sommes pas du tout sortis du cyclone, mais on est en deçà du caractère cataclysmique» a affirmé lundi 15janvier le préfet de l’île, Jérôme Filippini, durant une visioconférence, après le passage redouté du cyclone Belal. Son œil a frôlé le territoire sans vraiment pénétrer à l’intérieur des terres, provoquant de fortes pluies et des rafales de vents allant jusqu’à 200kilomètres-heure par endroits. L’étendue des dégâts doit désormais être évaluée, mais plusieurs mesures préventives avaient été mises en place en amont pour limiter les conséquences, matérielles et humaines.
Alors que le ministre de l’intérieur, Gérald Darmanin, est attendu mercredi à La Réunion pour soutenir les victimes et les personnels chargés des secours, l’Etat a pu compter sur un dispositif rodé des autorités locales pour anticiper et réagir au passage du cyclone.
De l’alerte jaune à la violette
Dès lors que l’île est menacée par un cyclone, un dispositif de vigilances – composé de quatre couleurs graduant les dangers météorologiques et les consignes à suivre – est déclenché. Dans un premier temps, une préalerte jaune peut être activée pour signifier l’approche d’une menace cyclonique dans les jours suivant l’alerte de Météo-France.
Concernant le cyclone Belal, LaRéunion a été placée en vigilance orange cyclonique dès 19heures, heure locale (16heures à Paris), samedi 13janvier. Les habitants ont été invités à se préparer à être isolés pendant quelques jours en faisant des stocks d’eau et de nourriture et à anticiper des coupures de courant ou d’eau. Il était recommandé de se procurer un réchaud de camping, une lampe de poche, des piles ou encore une radio à piles, ainsi que de préparer les logements aux vents violents en consolidant les ouvertures.
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A l’approche du cyclone, l’île a été placée en vigilance rouge, dimanche. Un confinement intégral a été imposé dès 20heures, heure locale (17heures à Paris), et l’usage des téléphones a été limité à la nécessité absolue. Des centres d’hébergement et de vie, à destination des malades ayant besoin d’électricité pour la continuité de leurs soins, ont été ouverts.
Lundi matin, à 6heures, heure locale (3heures à Paris), le territoire est passé en vigilance violette. «Cela implique un confinement strict de l’ensemble de la population, y compris des services de secours et de sécurité et [de] tous les agents mobilisés à la gestion de crise (seuls autorisés à se déplacer sous l’alerte rouge). Toute circulation est formellement interdite pour quelque cause que ce soit», expliquait la préfecture. A 13heures, heure locale (10heures à Paris), à la suite de l’infléchissement de la trajectoire du cyclone, l’alerte a été levée, repassant au rouge et permettant la reprise des interventions d’urgence. Quelque 100000Réunionnais ont été privés d’électricité au cours de la journée de lundi, et 130000n’avaient plus d’accès à l’eau courante.
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Mise à l’abri de sept centspersonnes
Dès samedi, un certain nombre de centres d’hébergement avaient été ouverts dans la ville de Saint-Denis. «Nous sommes allés chercher les personnes vivant au bord des ravines, ainsi que les sans-domicile-fixe», rapporte sa maire, Ericka Bareigts. Cinq cents places avaient été mises à disposition. Lundi, quelque cent dix-neuf personnes ont été finalement accueillies. «On se prépare toujours au pire quand on nous annonce une catastrophe», précise l’édile. Mais, malgré ces précautions, une personne sans domicile fixe a été retrouvée morte à Saint-Gilles.
A l’échelle de l’île, sept cents personnes ont été admises dans ces centres, qui ont été peu sollicités. La commune de Saint-André, elle, a accueilli au lycée Jean-Perrin «des personnes dont les habitats, indignes, risquent d’être détruits par les inondations», ainsi que «des sans-abri», a fait savoir Sarane Jean Bernard, le référent du centre d’hébergement.
«Les mairies sont bien organisées et équipées» mais «la malfaçon de nombreux logements sociaux n’est, elle, pas anticipée», pointe Erick Fontaine, responsable de la Confédération nationale du logement. Ce dernier déplore des habitations qui ne répondent pas aux normes et qui subissent des dégâts importants. Le passage de ce cyclone nous «rappelle qu’on ne peut pas construire n’importe où», insiste-t-il.
Limites des dispositifs à long terme
Selon le dernier rapport de la Fondation Abbé Pierre, publié en mai2023 sur le mal logement en France, près de quatre Réunionnais sur dix seraient impactés par la crise du logement. D’après les dernières données provenant de l’Insee, il existe 22857bâtis précaires, dont 20939cases en bois et 11918habitations de fortune à La Réunion.
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« Chaleur humaine » Comment faire face au défi climatique ? Chaque semaine, nos meilleurs articles sur le sujet S’inscrireL’efficience des dispositifs mis en place dans la gestion des risques naturels est en cours d’évaluation dans le cadre d’une enquête parlementaire. Celle-ci doit porter «sur l’évolution des catastrophes naturelles dans les territoires dits d’outre-mer et évaluera si la réponse de l’Etat et des autres acteurs – collectivités, assurances, entreprises publiques, établissements publics – chargés de la sécurité publique est à la hauteur des enjeux», selon un rapport de l’Assemblée nationale.
En2015, un audit de la mise en œuvre de la politique nationale de prévention des risques naturels et technologiques à LaRéunion estimait que «la prise en compte du risque cycloniquereste cependant largement perfectible pour ce qui est du respect des règles de construction paracycloniques».
Outre les infrastructures qui peuvent être améliorées, la maire de Saint-Denis craint, sur le long terme, les effets du dérèglement climatique sur la physionomie et la trajectoire des cyclones. Si LaRéunion est régulièrement frappée par des cyclones, dont les risques sont élevés entre janvier et mars, les cyclones peuvent se révéler plus intenses et violents en raison du changement climatique, rapportait le sixième rapport du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC). «Il faudrait y apporter une réponse pour protéger les populations», insiste MmeBareigts. «Il faut des moyens pour l’aménagement du territoire», pour limiter la montée des eaux et, sur le plus long terme, se préparer aux effets du changement climatique, prévient-elle.
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Fatoumata Sillah
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